La franc-maçonnerie belge en exil pendant la Première Guerre mondiale: rencontre exceptionnelle ou repli identitaire ?

A la suite de l'invasion allemande en Belgique en août 1914 plus d'un million de civiles belges fuirent le pays en espérant échapper aux 'barbaries germaniques'. Une grande partie de ces réfugiés retournèrent assez rapidement, mais pour plus d'un demi million de belges l'expérience de guerre serait une expérience vécue en exil. Des recherches récentes ont démontré que ces réfugiés belges avaient élaboré de multiples et vastes réseaux associatifs en terre d'exil; la franc-maçonnerie ne manquait pas à l'appel. En Grande-Bretagne, en France et aux Pays-Bas plusieurs loges belges furent crées, portant des noms éloquents tel que Nous Maintiendrons. Cette présence impliquait forcément un contact intensifié avec les maçons et les structures maçonniques du pays d'acceuil. Au cours de notre intervention il importera d'examiner ces contacts pour deux loges en exil, Albert de Belgique (Londres) et Nous Maintiendrons (La Haye). Tant bien que les premiers contacts étaient amicales, solidifier ou même créer de réels et durables liens d'amitié ne s'avéra pas évident. De graves conflits se dressèrent entre les loges et les obédiences et franc-maçons locaux. De plus la grande majorité des réfugiés belges, y compris les franc-maçons, pensaient et vivaient leur éxil comme une 'parenthèse'. Par conséquent l'accent fut mis sur le poids de la guerre, la situation de l'arrière et la reconstruction du pays après la fin des hostilités. De surcroît, le patriotisme belge était omniprésent. Tous les discours ou actes furent dominés par une symbolique patriotique très explicite. De toute évidence cet amour de la patrie mettait la fraternité universelle à l'épreuve. L'expérience des franc-maçons belges éxilés nous éclairera donc en ce qui concerne la tension maçonnique entre le cosmopolitisme et l'amitié universelle d'une part et le patriotisme et nationalisme exacerbés de la Première Guerre mondiale d'autre part.